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Jérôme Glicenstein, « Introduction  : qu’est-ce qu’une expérience dans l’art  ? », Marges, vol. 24, no. 1, 2017, pp. 10-14.

M’intéressant de très près au statut de l’œuvre d’art, à sa valeur, ainsi que sa réception, j’ai voulu me pencher sur l’art en tant qu’expérience fondamentale à éprouver. Pensant tout d’abord travailler d’après une étude d’œuvre et les regards que cela engendre, j’ai finalement souhaité choisir un binôme, autrement dit, deux disciplines qui savent tout particulièrement se confondre et apprendre l’une de l’autre, sans ne jamais porter atteinte à la magie sensible que chacune d’elle dégage, la philosophie et l’art. 
Ainsi, mon choix s’est tourné vers Jérôme Glicenstein qui pour Marges, en avril dernier, écrit « Introduction : qu’est-ce qu’une expérience dans l’art ? ». 
Jérôme Glicenstein, est le rédacteur en chef de la revue scientifique d’art contemporain Marges, créée en 2004. Il est enseignant-chercheur à Paris VIII, et membre de l’équipe de recherche EPHA —Esthétique, Pratique, et Histoire de l’Art. 
Tout au long de son développement, Jérôme Glicenstein réitère le même schéma de manière cyclique. En effet, dans chacune des parties qui suivent, l’auteur définit les termes qu’il emploie, les met en lien, présente les philosophes sur lesquels il s’appuie —tout particulièrement John Dewey— ainsi que les travaux de ces derniers, et nous explique, —souvent en énumérant des exemples— le contenu de leurs pensées. Suite à cela, il dresse des conclusions qui nourrissent sa problématique. 
Nous pouvons distinguer deux parties conséquentes entre l’introduction et la conclusion. La première partie est véritablement une initiation au pragmatisme philosophique. Glicenstein nous invite ici à nous imprégner des conceptions pragmatistes pour nous permettre d’appréhender le mieux possible le développement qui suit (p6) dans lequel le sujet central est clairement la notion d’expérience vue par Dewey.
En présentant et en s’appuyant sur les propos énoncés dans les années 1930 par John Dewey, Jérôme Glicenstein va s’attacher à extraire du raisonnement du philosophe, les arguments clefs pour nous démontrer la valeur d’expérience dans l’art, et pourquoi cette dernière prend-elle le pas sur le terme d’expérience de l’art

L’auteur aborde son article à la manière d’une dissertation de philosophie. En effet, il récupère le mot clef du titre pour en proposer une définition. Ici, expérience est définit selon deux usages courants. Puis, il clôt cette brève introduction sémantique en faisant un lien avec la création contemporaine, qui se veut elle aussi, à la manière du mot expérience, polysémique dit-il. Cette transition, qu’il illustre d’exemples —comme il sera de son habitude tout au long de l’article—, précède un fait que l’auteur amène. La question de l’expérience, dit-il, n’est pas sans liens avec de nombreuses notions couramment utilisées dans les théories de l’art. Il cite le sensible, la perception ou encore la réception, parmi d’autres. Suite à cela, l’auteur propose qu’il pourrait en fin de compte s’agir de regrouper avec l’expérience toutes ces notions, en mettant côte à côte je le cite, « des phénomènes physiologiques, les sentiments des regardeurs, la poétique des auteurs, et les innombrables dispositifs mettant en scène l’art ».
Vient alors la présentation d’une deuxième difficulté préoccupant l’auteur, à savoir, à quoi différencie-t-on l’expression « l’expérience dans l’art » de celle « d’expérience de l’art » ? Pour tenter d’y répondre, l’auteur investit ces expressions d’un argument identitaire. Pour une « expérience de l’art », de même pour « philosophie de l’art », « histoire de l’art », « une sorte de centralité est ainsi attribuée à l’art » écrit-il. Cependant, dans l’expression « l’expérience dans l’art » le poids des mots est inversé, ainsi que l’ordre des priorités. En effet, « l’art » devient ici un domaine d’activité qui aurait pu être tout autre, et « l’expérience » prend un tout nouveau sens.
Ces problèmes que posent Jérôme Glicenstein, il va ici tenter de les éclaircir. Ainsi, il annonce la problématique de son article qui vise à « envisager la manière dont des formes artistiques peuvent enrichir l’expérience humaine ». 




Après l’annonce de sa pensée faisant ici l’objet d’un développement, l’auteur va, pour ce faire, nous inviter à nous pencher sur le pragmatisme philosophique. Il écrit, « ce point de vue centré sur l’expérience fait écho au pragmatisme, au sens philosophique du terme ». Glicenstein nous présente alors les vérités que considèrent le pragmatisme, ainsi que ses réfutations en citant, parmi d’autres, William James, philosophe et psychologue américain, auteur, en 1907, du Pragmatisme. Un nouveau nom pour d’anciennes manières de penser et initiateur, avec Charles Sanders Peirce, du courant pragmatiste.
Nous apprenons ainsi que le pragmatisme propose de « considérer la pensée comme une action » comme l’écrivait en 1878, le philosophe et sémiologue américain Peirce, auquel Glicenstein reviendra fréquemment dans l’article. Autrement dit, la pensée est considérée comme une action lorsqu’elle amène à une réflexion. A contrario, la pensée au repos est « assimilée à un ensemble de croyances ou d’"habitudes d’actions" ». Dans une optique pragmatiste, le monde est considéré comme non figé puisqu’au contraire « constamment reconfiguré par nos actions et nos représentations », notion sur laquelle insiste Glicenstein en citant James, qui écrivait : « le monde est tout à fait malléable, il attend que nous lui apportions, de nos mains, les dernières touches. » L’auteur rappelle ici que la question de l’expérience est bien centrale dans une pensée pragmatiste et précise pourquoi lorsqu’il écrit qu’il « s’agit de considérer les actions humaines comme relatives au milieu qui les entoure et aux relations qu’elles engendrent ». Ces mots lui permettent de mettre l’accent sur l’expérience comme étant indissociable de l’action humaine. En parallèle, Glicenstein présente les éléments que refuse une approche pragmatiste, à savoir l’usage « d’arguments a priori », ainsi que les « spéculations vagues » mais nécessitant au contraire de « baser ses raisonnement sur des faits tirés de l’expérience » en citant Peirce qui donne pour consigne de « faire l’épreuve » des effets de chaque chose.

Après cette introduction au pragmatisme, Glicenstein semble entrer dans le vif du sujet en introduisant la figure de John Dewey, qui va alors occuper toute la seconde partie du texte. Dewey, philosophe et psychologue américain, sera alors la référence première de l’auteur, qui va s’appuyer tout au long de son développement sur les théories que ce dernier énonça dans les années 1930. Il le présente ainsi : « John Dewey est sans doute le philosophe pragmatiste dont les réflexions ont le plus souvent associé l’art à l’idée d’expérience. La question d’expérience est centrale dans son œuvre, d’autant plus qu’il la considère comme indissociable de toutes les activités humaines. »
Ces quelques lignes introductives permettent à Glicenstein de légitimer son choix pour cet auteur, en présentant leurs préoccupations et intérêts communs.
Glicenstein cite alors l’ouvrage de Dewey, L’Art comme expérience dans lequel nous dit-il, Dewey va avant même de parler d’art, évoquer des exemples tels « une femme qui s’occupe de ses plantes, quelqu’un qui entretient la pelouse devant sa maison […] ». Ces exemples observés par le philosophe américain, lui ont permis de remarquer que ces activités aux allures fortuites « procurent aux personnes qui s’y impliquent une grande satisfaction », provoquée par le déroulement plutôt que le résultat de cette même activité. Pour Dewey, cela témoigne d’une « forme d’engagement artistique ». Cette observation fait écrire à l’auteur que l’expérience, en rapport avec la question de l’art, ne se limite donc ni à la production « d’œuvres », ni à l’observation d’objets.

Il en vient au statut de l’œuvre d’art, plus précisément à l’impossibilité de cette dernière d’être considérée comme immuable. Il présente, en les énumérant, différents processus tels que la réinterprétation, la réévaluation, qui modifient sans cesse la structure interne et externe d’un objet d’art. Il ajoute que ce sont ces « différents processus » qui donnent à l’œuvre d’art « son sens et sa valeur ». L’auteur propose ainsi de s’opposer aux idées de « contemplation et de réception passive des choses », dans le but d’affirmer que « l’expérience est nécessairement constitutive de la manière dont on appréhende le monde ; d’autant plus qu’elle se confronte en permanence à d’autres expériences, celles des personnes avec lesquelles on interagit ». 




Ce point, qui place au premier plan l’interaction avec l’autre, est d’une importance fondamentale au sein du travail de Dewey, nous dit l’auteur. C’est pour penser la valeur de l’art par le biais relationnel, —Glicenstein précise, « au sein de l’espace public d’une société démocratique »—, que Dewey va refuser l’idée d’autonomie de l’art. En cela, nous comprenons que l’art a besoin d’être en permanence en confrontation avec le spectateur, qui lui-même, confronte son regard, sa pensée et même au delà son histoire personnelle avec autrui, et c’est cette reconsidération incessante qui donne sa valeur à l’objet d’art, annulant ainsi toute idée d’autonomie. 
Si Glicenstein évoque cette préoccupation portée sur ce qu’est l’art vu depuis sa valeur relationnelle, c’est dans le but de poursuivre sur la cohabitation ou la confrontation de l’art et de la vie ordinaire, axe une fois de plus central dans l’œuvre de Dewey. L’auteur explique alors que confronter ces deux idées implique, je le cite, « de changer de regard sur les activités humaines, avec une attention plus grande aux différents arts de vivre ». Pour illustrer cela, il cite Richard Shusterman qui, pour proposer une solution vers ce regain d’intérêt écrivait dans L’Art à l’état vif. La pensée pragmatiste et l’esthétique populaire en 1992 qu’il faut « mettre l’accent sur les qualités d’harmonie, de créativité et d’imagination […] de telle sorte qu’un plus grand nombre d’activités quotidiennes procurent une satisfaction immédiate […] ». Nous nous renvoyons ici aux exemples énoncés par Dewey au début de L’Art comme expérience, et des personnes qui témoignaient, dans le déroulement d’une certaine activité quotidienne, d’une grande satisfaction. 
L’auteur pose alors la question de l’existence de l’art. S’il se distingue d’autres formes d’expériences, et si son « but ultime est simplement d’enrichir la vie ordinaire ». 




Glicenstein tient tout d’abord à éclaircir un point. Dewey dit-il, « ne condamne pas automatiquement l’art à une position […] instrumentale », et précise que ce dont Dewey est réellement soucieux, c’est plutôt de savoir qu’est-ce que l’art peut apporter afin d’enrichir l’expérience commune. L’auteur tente de nous simplifier l’approche de la pensée du philosophe en écrivant que pour lui, « l’œuvre ne compte pas s’il n’y a pas d’expérience, et l’expérience n’a aucun intérêt s’il s’agit de se conformer à une modélisation du comportement face aux œuvres ». L’auteur ajoute qu’effectivement, dans cette conception défendue par Dewey, la relation à l’art, à l’œuvre, n’est pas prédéfinie autrement dit, elle peut varier inlassablement, et c’est un point du travail de Dewey qui nous est présenté de manière limpide lorsque ce dernier écrit « l’expérience dépend de l’interaction du produit artistique avec un individu donné. Elle n’est donc pas deux fois la même pour différentes personnes […]. Elle change pour une même personne à différentes moments, à chaque fois qu’elle apporte quelque chose de différent à une œuvre. [Et] il n’y a aucune raison pour qu’afin d’être esthétiques, ces expériences soient identiques ». 
En ces propos, nous explique Glicenstein, Dewey s’inscrit en rupture avec les théoriciens qui depuis Kant en passant par les Romantiques allemands, identifiaient les œuvres d’art comme « de purs objets spéculatifs ». En effet, Dewey réfute complètement l’idée de réduire à une contemplation, l’attention esthétique d’une œuvre d’art. « L’expérience, rebondit Glicenstein, est un tout » et ce tout, il se nourrit des différents types d’intérêts qu’il reçoit et ce sont eux « qui l’enrichissent et lui donnent sa valeur spécifique ». 
Pour continuer sur le chemin de la contemplation —réfutée chez Dewey—l’auteur évoque la manière dont le philosophe perçoit le statut de l’artiste ou plutôt quel statut donne-t-il à ce dernier. En effet, près de quarante ans avant « La mort de l’auteur » de Roland Barthes, Dewey écrit qu’il considère que le spectateur, dans sa démarche active créée ainsi sa propre expérience et il qualifie cette démarche d’ « aussi importante que l’acte artistique », il écrit : « sans un acte de recréation, l’objet n’est pas perçu comme une œuvre d’art. » Le philosophe poursuit en précisant sa pensée : « L’artiste a sélectionné, simplifié, clarifié, abrégé et condensé, en fonction de son intérêt. Le regardeur doit accomplir ces [mêmes] opérations en fonction de ses point de vue et intérêt ». Nous devons donc faire l’expérience dans l’art de ce que proposent les artistes, et non recevoir leur travail comme une affirmation, comme une vérité immuable. Cela signifie que la compréhension de l’œuvre est possible grâce à ce que construit en nous, l’expérience que l’on en fait. 
Glicenstein prend du recul quant aux positions de Dewey. Cela lui permet de dégager les points importants de la démarche du philosophe. L’auteur nous dit, je cite, que Dewey incite à « repenser la relation à l’art en tant que sphère socialement instituée ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Et bien au delà de seulement reconsidérer les dogmes qui formatent notre relation à l’art, il faut véritablement rompre avec, je cite Jérôme Glicenstein, « l’idée de l’auteur « génial », avec le culte de l’œuvre d’art et avec le dogme de son autonomie irréductible ». Si tous ces exemples doivent être remis en question ce n’est pas pour « que l’art ou la relation esthétique disparaissent », mais bien pour qu’ils ne soient plus assimilés comme étant « universels et intemporels », mais personnels, donc variables indéfiniment. Quant à l’aspect remédiable de cette relation à l’art, Glicenstein poursuit en citant Jean-Pierre Cometti lorsque ce dernier écrit dans Art et facteurs d’art. Ontologies friables en 2012, que pour Dewey, « le statut autonome de l’art, sa position « séparée », sont le produit des conditions institutionnelles qui ont soustrait l’art à la vie pratique, et qui perpétuent par conséquent un malentendu dont rien ne nous oblige à penser qu’il est définitivement inscrit dans notre culture ». Cette citation insiste sur ce que Glicenstein nous présentait juste au dessus, c’est-à-dire : oui, les conditions institutionnelles sont à l’initiative de ce malentendu qui octroie entre autres un statut autonome à l’art, cependant, Cometti ajoute que ce malentendu, il n’est pas définitivement inscrit dans notre culture et en cela, c’est à nous, spectateurs de l’art et acteurs de la culture, de rompre avec ces nombreux automatismes de pensée socialement institués. 




À la suite d’un développement aussi important, Glicenstein vient amener sa conclusion. Il l’initie tout d’abord avec un regard historiographique très bref, dans lequel il replace les conceptions pragmatistes, qui remontent à la fin du XIXe siècle. Puis, il fait un bon en avant dans le temps pour en arriver aux années 1950, qui, « sans doute à la suite de la fortune critique de l’esthétique analytique » dit-il, voient refaire surface ces conceptions pragmatistes. De plus, l’auteur rappelle que c’est à cette époque qu’Allan Kaprow théorise ses premiers happenings, en se réclamant de Dewey et ajoute que « c’est le moment où la question de l’expérience trouve un nouveau sens à la lumière de l’idée de participation ».
Glicenstein écrit que certains propos de Dewey ont fait l’objet de polémiques, notamment chez George Dickie ou Monroe Curtis Beardsley au milieu des années 1960, ou bien que ses idées ont pu être reprises notamment chez Nelson Goodman à la fin des années 1970. 
Ici, l’auteur montre la postérité du travail de Dewey, mais au-delà de ça, il indique que les travaux du philosophe américain sont restés, quarante ans plus tard, des monuments en terme d’esthétique, de pragmatisme, justement parce qu’il est utilisé depuis, comme un penseur exemplaire auquel d’autres se réfèrent et comparent leurs propres travaux.
Avant de conclure, Glicenstein trouve intéressant de nous présenter ce qui semble être une synthèse de l’esthétique analytique et de la philosophie pragmatiste. Il explique que toutes deux privilégient, je le cite, « les usages des œuvres (ce que l’art « fait » plutôt que ce qu’il « est »), tout en refusant le postulat d’une quelconque autonomie de la sphère artistique, au profit d’une vision davantage contextualiste des conditions de production ».
Enfin, l’auteur vient clore son développement en regroupant les éléments qui nous permettront de penser l’expérience dans l’art et non plus l’expérience de l’art. Cela implique donc de « laisser de côté nos habitudes de pensée » et de « prendre en compte davantage le monde dans lequel nous vivons ». Glicenstein ajoute que ce raisonnement nous pousse à être vigilant à l’égard « des théorisations abstraites qui se nourrissent de pures spéculations au sujet d’œuvres […] et des conceptions simplistes visant à expliquer que l’œuvre d’art ne se comprend qu’en relation à un savoir historique prédéterminé, à des compétences techniques ou à condition d’avoir « appris à voir » correctement les œuvres […] » autrement dit, nul besoin de chercher à acquérir un savoir sur l’œuvre, mais au contraire, de s’en constituer un qui nous serait propre, en se livrant à une expérience dans l’art. 




La démarche de recherche dans laquelle s’est placé Jérôme Glicenstein lui a permis de faire un point historiographique quant à cette question d’expérience dans l’art. Il nous présente les problèmes qui, en raison d’un conditionnement social, ont depuis longtemps et encore aujourd’hui, empêché le spectateur de s’autoriser à appréhender un objet d’art avec sa propre expérience. En proposant une solution, l’auteur invite le lecteur-spectateur à remettre en question son rapport à l’œuvre d’art. Il le pousse à tenir à l’écart les jugements   de valeur présentés comme immuables, afin de faire sa propre expérience dans l’art, celle dont il a besoin pour comprendre ce à quoi il se confronte. 




Glicenstein, Jérôme. « Introduction  : qu’est-ce qu’une expérience dans l’art  ? », Marges, vol. 24, no. 1, 2017, pp. 10-14.

https://marges.revues.org/1252 

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